Depuis longtemps, Deming était connu chez les économistes européens comme un pionnier de la science statistique. On n'ignorait pas en effet qu'il avait fait partie du Bureau of the Census, cet organisme gouvernemental américain, rattaché directement à la Maison Blanche, qui a mis au point les méthodes de sondage dans les études démographiques avant la seconde guerre mondiale.

Au cours des années1950, Deming a donné des cours de statistique aux universités de Kiel, Francfort et Nuremberg, ainsi qu'à l'Institut de Statistique de l'Université de Paris. Mais jusqu'en 1980, les dirigeants occidentaux ignoraient totalement que Deming était le principal conseiller des dirigeants de l'industrie japonaise. C'est à cette date que Jean-Marie Gogue a commencé à travailler avec lui et à donner ses propres séminaires en Europe. L'Association Française Edwards Deming fut fondée huit ans plus tard.

L'idée que Deming est un "spécialiste de la qualité" est encore très répandue. Au cours de ses séminaires, il avait grand soin de dissiper ce malentendu en disant que son but était d'enseigner de bonnes pratiques de management. Il expliquait qu'il fallait améliorer la qualité afin de réduire les coûts, de conquérir une meilleure place sur le marché, de rétribuer le capital et de créer des emplois. Pour lui, la qualité était essentiellement la réponse à un problème.

Par conséquent, le but de notre association n'est pas d'étudier de nouvelles techniques pour la qualité mais de mettre en oeuvre la philosophie de Deming. Elle est fondée sur une théorie qui remet en question l'organisation du travail et les méthodes classiques d'évaluation des performances. A long terme, notre réflexion tend vers une transformation sociale qui consiste à humaniser les conditions de travail en assurant un développement harmonieux de l'économie.

La première caractéristique de la philosophie de Deming est l'obligation faite à chacun de voir son environnement comme un système. Les méthodes que nous préconisons permettent d'approfondir les buts du système, de connaître les liens entre ses différents constituants et de mesurer les effets de toute action extérieure. Elles rendent le management plus efficace.

La seconde est l'aptitude de chacun à déchiffrer l'information en termes de variations. Il est essentiel de distinguer deux types de causes de variations: les causes communes, qui font partie du système, et les causes spéciales, les seules qui peuvent être attribuées à un individu ou un événement particulier. Les premières sont de loin les plus nombreuses. La confusion entre les deux types de causes de variation est responsable de la plupart des pertes financières provoquées par un mauvais management. Nous devons préparer toutes nos décisions en étudiant les variations. Un bon point de départ pour cette étude est l'expérience des billes rouges.

La troisième consiste à tenir compte de la psychologie dans le management d'une entreprise. Un problème particulièrement difficile est la motivation des gens au travail. Nous préconisons des méthodes qui favorisent les sources naturelles de motivation parce qu'elles se révèlent plus efficaces que les sources artificielles, c'est à dire les primes et les récompenses en tous genres. Un autre problème majeur est la peur qui règne à tous les niveaux de l'entreprise, car c'est la principale cause de rétention d'information, de falsification et de distorsion des données. Nous préconisons des méthodes qui tendent à l'éliminer.

A long terme, on peut constater que les entreprises, les administrations, les écoles et tous les organismes qui pratiquent cette approche du management, notamment à l'aide des 14 Points de Deming , font des progrès considérables en termes de rentabilité, d'innovation et de croissance.